Communiqué de presse



Lundi 28 mai 2007



AFFRONTER LA RUE



Donc nos sœurs moscovites une fois encore ont affronté la rue, ce dimanche 27 mai. Une rue hostile. Une rue anxyogène. Une rue interdite. Ainsi, des Marches de la Fierté, presque quarante ans après Stonewall, continuent à être réprimées. Rien que pour ça, elles sont nécessaires. Elles obligent à tomber les masques.

En même temps, on peut difficilement dire que Poutine et ses amis mafieux agissent masqués. Les charniers de Tchétchènes, quelques cadavres deci-delà de journalistes trop curieuses, les répressions des militantEs en témoignent. Font pas beaucoup d'efforts. Mais pourquoi en feraient-ils ? Le silence de nos États est assourdissant.

Donc nos sœurs moscovites une fois encore ont affronté la rue, ce dimanche. « Être solidaire, c'est encourir les mêmes risques », disait l'autre. Alors, légitimement, nous affirmons : hier, aujourd'hui, comme tous les jours, nous sommes solidaires de nos sœurs un peu partout dans le monde, qui peuvent craindre, à chaque instant, pour leurs corps, pour leurs vies. Cette peur, cette intériorisation de la peur, nous la vivons aussi, nous ne la connaissons que trop bien.
Quand on dit ça, généralement, le monde straight proteste : « on exagère », « on en fait trop », « on hystérise », « ça s'est énormément amélioré ».
Ah bon ?
On n'en a pas vraiment l'impression. Il n'y a pas un nous « civiliséEs » et un eux « attardés »... Les injures et les tabassages : c'est une menace que connaît, avec des régularités et des degrés différents, toutE transpédégouine.

Mais « la peur est réactionnaire », disait l'autre. Et le monde est suffisamment réac' pour qu'on n'en rajoute pas une couche.

C'est la peur qui a fait voter Sarkozy.
C'est la peur de Sarkozy qui a fait voter contre Sarkozy.
On voit où nous en sommes...


Et puis : aucune politique émancipatrice ne peut s'inventer à partir de la peur. Aucune.

Alors :
Nous devrions être honteuses, nous sommes fières.
Nous devrions être invisibles, nous sommes inévitables et resplendissantes.
Nous devrions avoir peur, nous sommes invincibles.


Donc nos sœurs moscovites une fois encore ont affronté la rue, ce dimanche. Et nous voudrions leur adresser un signe de solidarité. Mais si « être solidaire, c'est encourir les mêmes risques » , il faut aussi affirmer que ce qu'elles vivent est sans commune mesure avec nos Prides. Ici, la haine politique est plus larvée, camouflée. Elle est moins frontale.
Certes, Christine Boutin est rentrée au gouvernement (et on ne peut que craindre pour les assocs de quartier, notamment celles pour les droits des femmes ).
Certes, Vanneste parade à Matignon.
Certes, L'Alliance Parlementaire.
Certes, Sarkozy.
Etc.

Mais nos Pride attirent moins les fascistes et les flics que les politiques et les marchands. Ce qu'on affronte, nous, dans nos Marches, ce sont (pour les encore-placardiséEs) les risques de la visibilité et (pour beaucoup) le poids de l'homo-normativité. Ni la répression policière, ni les attaques de groupes d'extrême-droite, ni la violence d'État. Nous avons ici des revendications que le pouvoir combat. Là-bas, avant même toute revendication, c'est leur droit à être dans la rue, collectivement, en tant que TransPédéGouines, qui leur est refusé.

Et c'est ce qui s'est passé ce dimanche à Moscou : arrestations, tabassages...

Donc : notre sort n'est pas le leur.
Enfin si : il l'est. Car nous ou elles c'est tout comme. Ou : il faut que cela le devienne.

Que les États comprennent qu'on ne peut impunément s'attaquer à nos sœurs là-bas sans encourir des réactions ici. Que notre État comprenne que nous exigeons la même protection, les mêmes droits pour elles que pour nous. Que nous n'en avons pas fini avec nos combats ici - mais que nous les articulons avec leurs combats là-bas. Qu'ils sont indissociables.
Bref, une solidarité intraitable, inconditionnelle.

Tout cela, pour l'instant, ce ne sont encore que des paroles. C'est à nous, transpédégouines, de nous organiser pour faire valoir nos exigences nécessairement internationalistes.
Pour forcer nos États à réagir. Pour peser réellement face à leur cynisme, leur indifférence. Pour mettre en pleine lumière la complicité des États - contre les populations.
C'est le minimum.

Ils ne feront rien sans qu'on ne les y oblige. Ni pour nos droits, ni pour ceux de nos sœurs.

Et puis, à force de nous battre, peut-être qu'un jour, toutes les Pride du monde seront autorisées.
Mais ce ne sera pas fini : il nous restera à en chasser les marchands.
Et à créer enfin un monde où toute fierté sera devenue inutile.

On mène tous les combats en même temps, incapables de choisir. On voudrait tout tout de suite.
Car nous ne rêvons pas d'un monde plus tolérant. Nous rêvons d'un monde différent.



TaPaGeS (TransPédéGouines de Strasbourg), le 28 mai 2007






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